Historique du SLAM et de ses présidents, par René CLUZEL *

Retracer l'histoire, pour ne pas dire la ‘pré-histoire’ du Syndicat Français de la Librairie Ancienne et Moderne (S.L.A.M.) n'est guère chose aisée*. Les témoins de la première heure ont disparu et les documents font souvent défaut. Les archives n'ayant pas été conservées avec soin, faute de locaux définitifs (acquis seulement en 1985 dans la rue Gît-le-Coeur), les traces que nous avons pu déceler sont parfois légères, quelques fois contradictoires, toujours inconsistantes.
Le Bouquiniste Français, organe officiel du SLAM, n'apparaissant que 7 ans après la fondation du Syndicat, soit en 1920, nous nous trouvons en présence d'une zone d'ombre de 1914 à 1920 sous la présidence d'Edouard Rahir. De 1920 à nos jours, le Bouquiniste Français, acquis par le SLAM en 1945 puis devenu le Bulletin de la Librairie Ancienne et Moderne en 1963, nous permet de mieux cerner les problèmes, les préoccupations et les activités du SLAM.
Pour la période antérieure à 1958, nous avons dû consulter les années disponibles à la Bibliothèque Nationale de Versailles sous la côte JO 82007. Il faut noter que le SLAM possède tous les numéros parus depuis 1958. Nous avons également eu recours à plusieurs notices nécrologiques ; aux discours et articles publiés à l'occasion du décès d'Edouard Rahir ; au rapport du Président Dauthon sur l'activité syndicale de 1939 à 1945, et aux souvenirs évoqués par quelques uns de nos confrères plus âgés à l'occasion du Cinquantenaire en 1964.
Nous allons donc, nous attacher à organiser nos glanes autour des Présidents qui ont en premier lieu incarné l'histoire de notre Syndicat. Nous tenterons toutefois de souligner la permanence et pourquoi pas la récurrence des problèmes qui les ont animés et qui restent d’actualité encore aujourd'hui : relations avec l'administration (fiscale et autres) ; réglementations douanières et postales ; ventes publiques ; le titre d'expert ; les créations de librairie ; la caisse de secours etc. 

La Fondation du SLAM
Ce qui frappe de prime abord, et ce, dès la création du Syndicat, c'est le souci qu'ont eu, non seulement les pionniers mais aussi leurs continuateurs, de faire circuler ‘le Livre’ et aussi, naturellement, les idées sur le livre. Comme le soulignait en 1958 Julien Cain, administrateur de la Bibliothèque Nationale, il s'agit là du ‘Rôle et de la Fonction de la Librairie Ancienne et Moderne’ (Bouquiniste Français No 1, octobre 1958).
1914 marque le début d'une tragédie mondiale, mais aussi la fin d'un monde couronné par un certain art de vivre: celui de la Belle Epoque. L'art d'une certaine pratique de la Librairie ancienne allait aussi s'en trouver bouleversé.
Le 23 juin 1914, eurent lieu les premières assises de l' assemblée générale constitutive du SLAM. Et, ce n'est peut-être pas par hasard, par gratuité ou pur souci de confraternité aimable que les promoteurs décidèrent de sa création. Avec la première guerre mondiale (la seconde ne fera qu'accélérer le processus) allaient s'achever les douces et tranquilles années d'un ‘commerce’, aux sens noble et fort du terme, pour lequel les notions de raréfaction, de crise ou de tracasseries administratives étaient totalement ignorées.
Quels étaient ces hommes qui pressentaient avec autant d'acuité la nécessité d’un regroupement au sein de notre profession? Jean Bergue (rue de Condé), Maurice Picard (rue Bonaparte), Auguste Blaizot, Henri Picard, Léon Carteret, Eugène Jorel (3 rue Bonaparte), Georges Chrétien, Camille Bloch (146 bd St Germain, puis rue St Honoré), Jean Rivière, Edouard Rahir, Jean Schemit, Charles Bosse, Emile Nourry... ils étaient 29 libraires fondateurs à la réunion préparatoire et le premier Syndicat compta 44 adhérents. Tous ces hommes étaient comme leurs prédécesseurs Techener, Claudin, France, Morgand, au service du Livre. Après avoir décidé de former une grande famille, ils acceptèrent de se réunir pour un banquet au début du mois de juillet 1914 dans un petit salon du Palais d'Orsay.
Aucun problème professionnel ne se présentait alors de façon aiguë, mais ils sentaient tous la nécessité de se rassembler autour d'un président qui pour la première fois fut Edouard Rahir. Il s'agissait de mieux se connaître et de resserrer les liens dans une profession où l'indépendance était tradition pour affronter l'avenir du Livre avec sérénité.


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* Les textes d'introduction et les notices biographiques qui suivent, jusqu'à celles de 1957, ont été préalablement publiées dans la Lettre d’Information de la LILA, n° 38, en
septembre 1986, puis 
dans la Lettre d’Information de la LILA, n°39, de juin 1987.
Edouard Rahir, président du SLAM de 1914 à 1922
E. Rahir apparaît comme l’un des meilleurs serviteurs du Livre, dans la mesure où il est ‘entré très tôt en librairie’. En effet, dès l'âge de 10 ans, en 1878, il est engagé chez Morgand et Fatout. A la mort de Fatout, il deviendra le collaborateur le plus proche de Morgand auquel il succédera en 1897. Edouard Rahir s'était essentiellement spécialisé dans la recherche, la sélection et l'étude de livres précieux et rares. Il a consacré une grande partie de son existence à un gros travail de bibliographie sur les Livres à figures des XVème et XVIème siècle. Il fut l'auteur des notules dans les 10 volumes du Bulletin Morgand publié de 1870 à 1904 et dans les trois répertoires de 1878, 1882 et 1893. C'est lui qui rédigea également les catalogues Destailleurs (1891-1895); Guyot de Villeneuve (1900-1901); la collection unique d'Elzevier (1896); les collections Dutuit (1899), Paillet, (Henri Bordes) (1902), Lantelme (1904), Montgermont (1911-1913) et Henri Houssaye (1912).
En 1907, il publia la ‘Bibliothèque de l'Amateur’ qui est un véritable monument de bibliographie condensée, et dont une seconde édition augmentée parut en 1924. C'est cet érudit, doublé d'un des meilleurs bibliographes des temps modernes, qui est appelé, en 1914, à assumer les fonctions de premier président du SLAM avec A. Blaizot comme vice-président; George Chrétien, comme secrétaire, et A. Besombes, L. Carteret et E. Jorel comme commissaires. En tant que tel, il s'est surtout soucié de maintenir et de perpétuer les traditions de la vieille Librairie française. Conformément aux statuts, il est élu pour trois ans, mais resta en poste sept ans en raison de la guerre et de la mobilisation de plusieurs libraires. Après 1918, le Syndicat reprend vie et, son activité essentielle s'est surtout résumée en un prosélytisme actif. Il fallait grandir et devenir une organisation importante et structurée. L'idée de la publication d'un journal va dans ce sens là.
Sous l'égide de Ch. Bosse, E.Jorel ; E. Nourry, J. Rivière et J. Schemit. le premier numéro du Bouquiniste Français paraît en date du 15 Janvier 1920. Organe bimensuel, il deviendra hebdomadaire dès le premier Décembre 1920 avec le numéro 22. Son administration siège au 31 rue Bonaparte Paris 6ème. Dans leur premier éditorial, les libraires fondateurs justifient ainsi la raison d’être de cette publication: ‘La Librairie Ancienne, les Libraires Antiquaires Français, en Décembre 1919 n'ont pas encore d'organe professionnel alors que le célèbre hebdomadaire anglais ‘The Clique’ et le quotidien munichois atteignent des tirages considérables...’.
Dès son premier numéro le Bouquiniste Français se présente comme un bulletin d'offres et de demandes d'ouvrages à bon marché, mais aussi comme un organe d'informations professionnelles avec calendriers des ventes, publication de catalogues, changement de propriétaires, ouvertures et fermetures de librairies, modifications de tarifs postaux et précisions relatives aux expéditions et transports... Régulièrement. le Bouquiniste fait le point sur quelques problèmes épineux: La loi du 25 juin 1920 et les impôts qui frappent le commerce et l'industrie (No 13); l'instruction du 29 août 1920 relative à l'impôt sur le chiffre d’affaires (No 16 et 17); la taxe de Luxe (No 19). Mais heureusement tout cela est émaillé de petits articles consacrés à des curiosités bibliophiliques: Jean Fauste; où vont les vielles reliures); Charles Sorel, de la connaissance des bons livres. Les voleurs de livres, journal d'un bouquiniste des quais... On y public aussi les comptes rendus ou procès verbaux de réunions de bureau et d’assemblées générales. On apprend ainsi dans le no 28 que MM Gougy, Paul et Rapilly ont été nommés experts auprès de l'administration des douanes. Le rétablissement de la remise de 10% entre libraires syndiqués, la modification de la taxe de Luxe et une lettre ouverte à M le Sous-Secrétaire d'Etat des Postes et Télégraphes de J. Lebouc sur la lenteur d’acheminement des catalogue» (Déjà !) ...alimentent d'autres numéros.
Le Bouquiniste Français ‘organe hebdomadaire de la Librairie Ancienne et Moderne’ paraîtra régulièrement jusqu'à la seconde guerre mondiale; à cette époque il sera remplacé par des feuilles polycopiées... Il reprendra ensuite, modifié après son acquisition par le Slam en 1945.
C'est donc sous la présidence d'Edouard Rahir que se mettent en place le premier Syndicat, le premier journal corporatif et les premiers principes de la protection édictés dans le cadre d'une conférence prononcée au Cercle de La Librairie le 27 mai 1924. Il cherche surtout à perpétuer la tradition d'une haute idée de la Librairie Ancienne faite de noblesse, de compétence et d’intégrité en la rattachant à tous les métiers qui président à la naissance du Livre et en soulignant le rôle que les libraires jouent dans ‘la propagation et l'extension des chefs d'oeuvre de l'esprit humain’. Et il en vient à déclarer : 'La Librairie n'est ni un métier. ni un art, c'est un commerce...’. Précepte essentiel si l'on comprend ce terme dans son sens premier de communication, échange de pensées, rapports de société. Nous le verrous par la suite.
Le SLAM a maintenu cette acception en cherchant à susciter entre libraires les discussions autour, sur et en faveur du Livre.
Autant d'idées qui ont fait florès et vont se voir perpétuées par tous les autres présidents. Une tradition était née ...
Les premiers présidents à la suite d'Edouard Rahir
1925 - 1945
L'après-guerre
1945 - 1957
À suivre…
1957 - 2021

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